Dans les Palaces, nous sommes des aubergistes de luxe
Directeur Général de La Mamounia à Marrakech, sacrée Meilleur Hôtel au Monde en 2018, Pierre Jochem a pris la tête de cet établissement iconique en 2014. Leader naturel, excellent gestionnaire, expert reconnu de l’hôtellerie de luxe et riche d’une immense expérience à l’international, Pierre Jochem a débuté sa carrière en tant que Directeur de la restauration à Londres (Park-Hyatt), puis à Bangkok (The Regent) et Hong-Kong (Island Shangri-La). Après un passage à Pékin (Manager au Palace Hotel, Peninsula) et à New-York (Manager au The Pierre, Four Seasons), il rejoint New-Delhi pour prendre la direction du mythique Palace l'Impérial pour réussir le pari de la rénovation, de l'ouverture et du repositionnement au niveau Palace 5 étoiles. Enfin, avant d’incarner la magie de La Mamounia, il a été pendant 5 ans Directeur général du Raffles à Singapour et Vice- Président des Opérations Asie Pacifique pour le groupe.
Depuis 2017, Bureau d'Image accompagne régulièrement La Mamounia avec des formations de grande envergure auprès de 700 collaborateurs. Deux fois par an, les formatrices de Bureau d'Image se rendent à La Mamounia pour maintenir un niveau d'excellence des équipes avec des formations toujours plus innovantes et sur-mesure, notamment pour l'accueil dans le luxe et la relation client.
Bureau d’Image : Comment définiriez-vous le luxe ?
Pierre Jochem : Le luxe, c’est partir où l’on veut, quand on le veut, le temps que l’on veut et regarder la vie passer.
BI : Le luxe à la française existe-t-il et quelles seraient ses caractéristiques ?
PJ : Le luxe à la française est sans conteste reconnu à l’international. Il est marqué par son histoire, son patrimoine, l’art de vivre et de recevoir... Le luxe à la française, c’est aussi l’appréciation des belles choses, de la peinture à l’art floral, en passant par l’architecture ou la haute-couture. C’est aussi et surtout un art culinaire et une haute-gastronomie que le monde entier nous envie.
BI : Quelles ont été les grandes évolutions dans l’hôtellerie de luxe au cours des dernières décennies ?
PJ : Il y a dix ans, l’hôtellerie de luxe se focalisait sur l’excellence de service, la qualité de l’hébergement et des matériaux, le sens du détail, mais les résultats financiers ne revêtaient pas encore l’importance qu’ils ont désormais. Aujourd’hui, l’enjeu de la performance financière est totalement intégré et repose en particulier sur les leviers de l’image, du marketing, du positionnement des établissements et de la digitalisation exponentielle de nos services.
BI : Comment les Palaces iconiques se démarquent-ils ?
PJ : Dans les Palaces, nous sommes des aubergistes de luxe. Ce qui distingue les Palaces des autres hôtels de luxe, c’est souvent leur histoire, leur patrimoine, leur âme. Comme le Ritz à Paris, le Raffles à Singapour ou le Mandarin Oriental à Bangkok, La Mamounia fait partie du patrimoine de Marrakech. Tous ces hôtels sont in fine des destinations en tant que telle. A ces éléments intangibles, les Palaces ajoutent évidemment une qualité de service hors pair, des infrastructures et des couleurs qui leur sont propres et qui les rendent uniques.
BI : Quel leader êtes-vous ? Quels principes guident votre vie professionnelle ?
PJ : Je suis un travailleur acharné, constamment tourné vers la performance. Ce qui m’intéresse, c’est de devenir meilleur en me remettant chaque jour en question. J’applique cette rigueur à mes équipes car j’aime ce travail en commun pour le développement des compétences de chacun : quand la montgolfière monte, tout le monde est tiré vers le haut.
BI : Quelles exigences la direction d’un Palace requiert-elle ?
PJ : Il est indispensable d’aimer les gens : les clients comme ses équipes. Dans l’hôtellerie, nous sommes des généralistes et devons connaître sur le bout des doigts tous les métiers qui la compose. De la finance à l’hébergement, en passant par le marketing et la restauration. Pour cela, un directeur doit être au contact de ses équipes. Il faut aussi qu’il soit créatif et qu’il ait son propre style pour marquer sa différence. Quel que soit l’établissement dont il prend les rênes, un directeur doit épouser son environnement et le faire évoluer en fonction de sa sensibilité.
BI : Quelle qualité première exigez-vous de vos équipes ?
PJ : L’envie de servir, de faire plaisir et la capacité à lire et anticiper les attentes des clients afin de leur donner envie de revenir au sein de notre établissement.
BI : Quelle faute vous inspire le plus d'indulgence ?
PJ : Quelqu’un qui commettrait une erreur en entreprenant quelque chose de nouveau. Tenter ou oser n’est pas irrémédiable pour peu que l’on apprenne de ses erreurs et qu’on ne les renouvelle pas.
BI : En quoi est-il essentiel de former vos équipes à l’excellence de service ?
PJ : Dans l’hôtellerie de luxe, nous n’avons pas le droit à l’erreur sur l’image que renvoient l’établissement et ses équipes. Avoir un grooming impeccable, être beau et bien soigné, est un atout indéniable. Pour bien comprendre cela, il faut se remettre perpétuellement en question et suivre les formations adéquates. Elles nous permettent d’aller de l’avant et, pour ce qui concerne l’excellence de service, de suivre les évolutions des demandes et attentes de nos clients.
BI : Même en qualité de Président Directeur Général, continue-t-on d'en apprendre chaque jour un peu plus sur le luxe, ses codes et ses multiples façons de l'incarner ?
PJ : Personne n’a la science infuse et si l’on pense savoir tout contrôler, en toutes circonstances, on est voué à l’échec. La curiosité et l’ouverture d’esprit nous en préservent. A chaque rentrée, par exemple, nous menons une grande réflexion avec nos équipes à La Mamounia : qu’allons-nous pouvoir faire de plus, de nouveau, pour créer de la valeur ajoutée et satisfaire encore davantage nos clients.
BI : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes professionnels ?
PJ : Être bien certain de vivre sa carrière avec passion car l’hôtellerie de luxe est un univers dans lequel nous devons nous investir pleinement. La vie privée est mise entre parenthèses et il faut savoir faire preuve de persévérance et d’opiniâtreté.
BI : Que préconisez-vous pour les hommes : barbe soignée ou rasage de près ?
PJ : Entretenir une barbe soignée est un travail très difficile. La mode actuelle, où un grand nombre d’hommes portent la barbe, n’est pas vraiment de mon goût et je préconise un rasage de près pour l’hôtellerie de luxe.
BI : Pour les femmes : pour ou contre le vernis rouge ?
PJ : Le choix peut dépendre des pays ou des environnements mais j’ai une préférence pour une couleur plus douce.
BI : Si l’hôtellerie de luxe était une couleur, quelle serait-elle ?
PJ : Bleu.
BI : Un animal ?
PJ : Un lion.
BI : Un adjectif ?
PJ : Heureux.
BI : Une émotion ?
PJ : La dégustation d’un Petrus 1982.
BI : Une œuvre d’art ?
PJ : Un Bouddha birman en bois du 12e siècle de Bagan (historiquement Pagan). Ma première acquisition d’une longue collection.
BI : Une devise ?
PJ : Même s’il est nécessaire d’avoir un style et une vision, la remise en question perpétuelle est indispensable.
BI : Une vertu ?
PJ : Le mérite.
BI : Un personnage historique ?
PJ : Napoléon.