Dans l’hôtellerie, l’enjeu est de répondre à une demande plus large et variée
Directrice générale du Columbus Hotel Monte-Carlo depuis 2018, Victoria Stevenson a rejoint l’établissement monégasque, propriété du groupe London & Regional Properties, en 2014.
Passionnée par l’hôtellerie depuis son plus jeune âge, elle a intégré l’Institut de Hautes Etudes de Glion puis débuté sa carrière au sein du mythique Savoy à Londres, occupant par la suite de nombreuses fonctions opérationnelles dans de prestigieux établissements 5 étoiles à Paris, en Chine, en Angleterre et sur la Côte d’Azur, parmi lesquels le Baglioni Hotels à Londres, le Grand Hôtel du Cap-Ferrat, le Negresco à Nice et le Royal Monceau à Paris.
Développant de nouvelles compétences en prenant des responsabilités commerciales et marketing lui permettant de s’ouvrir au Revenue Management et aux aspects stratégiques de la gestion hôtelière, Victoria Stevenson est aujourd’hui la seule femme à la tête d’un hôtel dans la Principauté de Monaco. Un magnifique boutique hôtel situé en plein cœur de Monte Carlo, face à la Roseraie dédiée à la Princesse Grace. Le Columbus Monte-Carlo propose 181 chambres entièrement rénovées en 2018 dont 28 Suites, la plupart avec terrasse et vue mer.
En 2022, Bureau d’Image et le Columbus Hotel Monte-Carlo ont noué un partenariat pour orchestrer des formations grooming à destination de tous les services de l’établissement : housekeeping, conciergerie, réception, restauration, back office…
Bureau d’Image : Comment définiriez-vous le luxe ?
Victoria Stevenson : Le luxe, c’est pouvoir anticiper la demande des clients. Il réside même dans notre capacité à dépasser leurs attentes par une connaissance fine de leurs habitudes, de ce qu’ils aiment, de ce qui les touche. Nous cherchons à être différenciants pour offrir une expérience unique à chacun. Cela repose sur des petits détails, des informations qui nous permettent de personnaliser nos prestations.
BI : Le luxe à la française existe-t-il et quelles seraient ses caractéristiques ?
VS : Le luxe à la française existe bel et bien, particulièrement sous son aspect art de vivre. Ce luxe à la française est surtout perceptible dans l’attente de la clientèle étrangère qui veut goûter à cette manière de vivre. Les attentes vis-à-vis de la France sont très différentes par rapport aux autres pays.
BI : Quelle personnalité incarne à vos yeux le mieux le luxe aujourd’hui ?
VS : Karl Lagerfeld, pour sa prestance, sa vision.
BI : Quelles ont été les grandes évolutions dans le luxe au cours des dernières décennies ? Quelle sera l’hôtellerie de luxe de demain ?
VS : Le luxe est désormais accessible à davantage de monde. Il s’est non seulement quelque peu démocratisé mais la privation durant la pandémie a suscité une envie générale de revivre des expériences raffinées. Dans l’hôtellerie, au quotidien, l’enjeu est de répondre à une demande plus large et variée. Nous devons parallèlement à cela montrer l’exemple en matière de RSE et d’éco-responsabilité, réduire notre impact écologique, et trouver le juste milieu – sans greenwashing – dans nos réponses concrètes à apporter tout en conservant la qualité de nos produits. Les groupes Marriott et Accor, par exemple, ont des objectifs ambitieux en la matière.
BI : Comment décririez-vous une expérience client réussie en magasin, dans un hôtel ou lors d’un voyage ? Quels sont les facteurs clés visant à enchanter et à fidéliser les clients ?
VS : Ce que l’on cherche avant tout, c’est surprendre les clients. Dans les restaurants gastronomiques, par exemple, j’observe qu’il y a de moins en moins d’expériences "surprise". Pour susciter la surprise dans l’hôtellerie ou dans l’industrie du service en général, cela se joue dans les détails, de manière discrète et élégante. Cela demande du temps car il est nécessaire de comprendre la personnalité du client. Nous devons développer des qualités de physionomiste, analyser, avoir les oreilles qui traînent (sourire). Pour enchanter et fidéliser un client, il faut qu’il se sente choyé (avec tact et discrétion), reconnu et considéré comme unique.
BI : Constatez-vous un changement sociologique de la clientèle du Luxe ?
VS : Le luxe étant plus accessible, les nouvelles générations préfèrent le vivre de manière moins guindée, plus décontractée. C’est pourquoi le segment lifestyle se développent de plus en plus. Il est dans l’ère du temps, c’est d’ailleurs notre positionnement au Columbus Monte Carlo.
BI : Que retenez-vous de votre premier séjour dans un hôtel de luxe ?
VS : Je retiens surtout la chance que j’avais de me trouver là.
BI : Quel est votre plus grand souvenir dans un hôtel de luxe ?
VS : Je répondrai sur un plan professionnel. Au George V, ce qui m’impressionnait, c’était l’exposition florale. Au Negresco, c’est le caractère de l’établissement qui m’a marquée, une atmosphère comme nulle part ailleurs portée par un directeur inspirant. Partout où j’ai évolué, j’ai beaucoup appris avec des personnalités qui m’ont inspirée.
BI : Quel est votre plus grand regret, votre plus mauvaise expérience ?
VS : Je n’ai pas de regret, tout expérience bonne ou mauvaise sont à vivre, c’est ce qu’on en fait avec qui est intéressant.
BI : Quel est votre hôtel ou Palace favori ?
VS : La Réserve en Afrique du Sud.
BI : Quel est le cadeau le plus luxe que vous ayez fait ?
VS : Au-delà de l’objet en question, c’est l’émotion suscitée chez un client par une attention particulière.
BI : Quel est le cadeau le plus luxe que vous ayez reçu ?
VS : Une bague.
BI : Qu'est-ce qui est considéré comme un luxe, mais dont vous ne pourriez pas vous passer ?
VS : Du temps.
BI : Quel leader êtes-vous ? Quels principes guident votre vie professionnelle et quelles exigences la direction d’un établissement de luxe requiert-elle ?
VS : L’exemplarité et l’équité sont pour moi les deux piliers, le b.a.-ba, pour diriger une équipe. Je suis en contact permanent et très proche de mes équipes. J’ai même évolué encore plus dans ce sens dans le contexte de la pandémie. La cohésion est primordiale et c’est à la direction de montrer la voie et l’exemple. J’ai beaucoup d’affect pour les gens qui m’entourent. Tout est affaire de confiance et du principe de la bonne personne à la bonne place.
BI : Quelle qualité première exigez-vous de vos équipes ?
VS : La bienveillance et l’honnêteté entre nous. Si ce n’est pas le cas, cela se ressent auprès des clients. C’est d’ailleurs une ligne de conduite forte chez nous et des critères cruciaux dans nos recrutements.
BI : Quelle faute vous inspire le plus d'indulgence ?
VS : Une faute que l’on reconnaît. Une remise en question permet de ne pas répéter une erreur.
BI : En quoi est-il essentiel de former vos équipes à l’excellence du service client ? Quelle importance accordez-vous à la posture et au savoir-être des employés dans l’industrie du luxe ?
VS : Nous devons fixer une ligne et un fil conducteur à nos équipes. Dans le cadre de nos formations, en particulier en cette période post-COVID, les interventions de formateurs externes sont très intéressantes car ils ont une vision différente avec l’appréciation et l’expérience d’autres établissements dans lesquels ils sont intervenus. Ces messages sont très importants à intégrer pour nous. La posture et le savoir-être des équipes découlent par ailleurs de leur bien-être au travail. Des séminaires et formations leur permettent d’acquérir de nouvelles compétences mais aussi de sortir un peu du quotidien. Ces moments de détente et de convivialité, favorables à la création d’un esprit d’équipe, sont très profitables au-delà même de l’intérêt et des objectifs de la formation.
BI : Même en qualité de dirigeant, continue-t-on d'en apprendre chaque jour un peu plus sur le luxe, ses codes et ses multiples façons de l'incarner ?
VS : Le luxe évoluant sans cesse, il est essentiel d’avoir la curiosité d’observer ce qui se fait ailleurs. Les rencontres et les réseaux sociaux nous y aident et font que l’on apprend tous les jours.
BI : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes professionnels ?
VS : Soyez passionnés. On ne peut pas bien faire son métier dans l’hôtellerie et incarner toutes les attentions inhérentes à cet univers sans cette passion. C’est un secteur exigeant dans lequel il faut être curieux. Aujourd’hui, les nouvelles générations veulent évoluer et avancer plus vite avec un bon équilibre vie professionnelle/vie privée (ce qui est sain d’ailleurs). Pour répondre à cette tendance, les directions d’établissement doivent s’adapter et trouver le bon équilibre. On ne peut pas devenir directeur d’hôtel en travaillant 35h/semaine mais on peut néanmoins le devenir sans faire 80h comme c’était le cas il y a quelques années.
BI : Que préconisez-vous pour les hommes : barbe soignée ou rasage de près ?
VS : Je suis tout à fait en phase avec l’attrait des hommes pour une barbe soignée. Les codes et tendances ont évolué. Je n’aurais sans doute pas donné la même réponse il y a quelques années lorsque je travaillais au George V (sourire).
BI : Pour les femmes : pour ou contre le vernis rouge ?
VS : Je ne suis pas favorable au vernis rouge dans les métiers du service. Un directeur m’a dit un jour que nos équipes ne doivent pas porter des vêtements ou des bijoux plus beaux que ceux de nos clients. La discrétion est une règle d’or.
BI : Pour ou contre les tatouages ? Les piercings ?
VS : Concernant les tatouages, tout dépend de l’établissement dans lequel on évolue. Chez nous, au Columbus Monte-Carlo, nous n’avons pas d’interdit en la matière, tout dépend néanmoins du tatouage qui ne doit quoi qu’il en soit pas être ostensible. Pour les piercings, je ne les autorise qu’aux oreilles, 1 ou 2 maximum.
BI : Si le luxe était une couleur, quelle serait-elle ?
VS : Bleu Azur.
BI : Un animal ?
VS : Un tigre.
BI : Un adjectif ?
VS : La simplicité.
BI : Une émotion ?
VS : Le bonheur.
BI : Un objet ?
VS : Un arbre, pour l’oxygène que nous respirons.
BI : Une devise ?
VS : "Learn from yesterday, live for today, hope for tomorrow, the important thing is not to stop questioning" Albert Einstein.
BI : Une vertu ?
VS : La Patience.
BI : Un personnage historique ?
VS : La Reine d’Angleterre.